Cela fait longtemps que j’ai le sentiment d’être perdu dans la vie.
J’ai l’impression d’être resté en arrière, comme si le monde avait continué sans moi. Je regarde autour de moi et je me rends compte que je ne sais presque rien, ou si peu, bien moins que ce que je mériterais de savoir. J’ai vingt-huit ans, et pourtant je me sens éparpillé, incapable de me concentrer, comme si chaque pensée se dissolvait avant d’arriver à son but.
Il y a sûrement plusieurs raisons à cela, mais celle que je comprends le mieux, c’est que je n’ai jamais eu une vie « normale ». Je n’ai pas eu de guide, ni de main bienveillante pour me montrer le chemin. Personne pour m’éduquer vraiment, mentalement ou intérieurement. Les gens qui auraient dû me prendre par la main, m’accompagner, m’ont laissé me débrouiller seul dans un monde trop vaste.
Tout ce que j’ai aujourd’hui, je l’ai construit seul.
Depuis longtemps, je me porte moi-même, comme un soldat solitaire sur un champ de bataille silencieux, traînant sur ses épaules un compagnon blessé. Ce compagnon, c’est moi. Mon humanité m’interdit de m’abandonner, même si le poids me brise les jambes. Je continue à avancer, même à genoux, même dans la poussière.
Je sais, au fond de moi, que si j’avais été élevé autrement, entouré différemment, j’aurais sans doute été un autre homme. J’aurais eu plus de savoir, plus de paix, plus de force. Mais il est trop tard pour regretter le passé. Ce qui compte maintenant, c’est la marche que j’ai entreprise.
J’ai décidé de continuer à me porter jusqu’à un endroit sûr. Là, quand je trouverai enfin un coin tranquille, je me poserai, j’enlèverai la poussière de mes épaules, je reprendrai mon souffle. Et à ce moment-là, je commencerai à apprendre, patiemment, tout ce que j’ai toujours mérité de savoir.
Parce que, malgré tout, je crois encore que je peux me reconstruire.
Je crois encore que je peux me sauver.
— Moi
